Les élections à venir en Afrique en 2016 : la carte pour tout comprendre

L’année 2016 promet d’être mouvementée sur le plan électoral. Et pourrait confirmer la tendance qui se dessine ces dernières années : changements en Afrique de l’Ouest, continuité en Afrique centrale.

Après deux mandats, le président béninois, Boni Yayi, ne se représente pas. © MONEY SHARMA/AFP

Après deux mandats, le président béninois, Boni Yayi, ne se représente pas. © MONEY SHARMA/AFP

Christophe Boisbouvier

Publié le 28 décembre 2015 Lecture : 4 minutes.

La révolution burkinabè peut-elle mettre fin aux « régimes longue durée » en Afrique ? Depuis la chute de Blaise Compaoré, en octobre 2014, beaucoup de démocrates africains veulent le croire. De fait, en septembre 2015 à Ouagadougou, les nostalgiques de « Blaise » ont tenté de restaurer l’ancien régime et ont échoué. Au Burkina Faso, l’alternance est en marche.

En mars de la même année, pour la première fois de son histoire, le Nigeria a lui aussi été touché par la grâce de l’alternance démocratique. Goodluck Jonathan a cédé son fauteuil à Muhammadu Buhari sans la moindre violence. En revanche, au Togo et au Burundi, pas d’alternance. En avril, Faure Gnassingbé a été élu pour un troisième mandat malgré les accusations de fraude lancées par l’opposition. Et en juillet, Pierre Nkurunziza, en dépit des accords d’Arusha, a brigué et obtenu un troisième mandat, au prix d’une féroce répression.

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La Gambie, l’exception de l’Afrique de l’Ouest

Après une année 2015 très contrastée, que faut-il attendre de 2016 ? Sans doute à nouveau le grand écart. En Afrique de l’Ouest, l’alternance est certaine au Bénin, où Thomas Boni Yayi ne pourra pas se représenter en février. Qui gagnera de Lionel Zinsou, Abdoulaye Bio Tchané, Pascal Koupaki, Komi Koutché, Léhady Soglo, Éric Houndété, Emmanuel Golou et Robert Gbian ? Ces « favoris » se feront-ils coiffer au poteau par un ovni tel l’homme d’affaires Patrice Talon ? Le scrutin n’a jamais été aussi ouvert.

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L’alternance est possible également au Niger et au Ghana. À Niamey, Mahamadou Issoufou semble bien placé pour obtenir un second mandat en février, car l’opposition est affaiblie par les ennuis judiciaires de Hama Amadou. Mais dans ce pays où la fraude n’est pas entrée dans les mœurs, « Hama » et ses deux alliés, Seini Oumarou et Mahamane Ousmane, n’ont pas dit leur dernier mot. Enfin à Accra, en décembre 2016, John Dramani Mahama n’est pas sûr de repasser devant Nana Akufo-Addo, qu’il n’avait battu que d’extrême justesse en 2012. Une exception toutefois en Afrique de l’Ouest : la Gambie. En novembre 2016, le très autoritaire Yahya Jammeh ne laissera sans doute aucune chance à ses adversaires… s’il en a.

Quid de l’alternance en Afrique centrale et en Afrique de l’Est

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En Afrique centrale et en Afrique de l’Est, l’alternance démocratique risque au contraire d’être une rareté, sauf bien entendu en Centrafrique, où, sortie de transition oblige, le futur président sera nécessairement un homme neuf. En Ouganda en février et à Djibouti en avril, les sortants Yoweri Museveni et Ismaïl Omar Guelleh ne se présenteront pas pour perdre. Au Tchad en avril, les opposants – dont Saleh Kebzabo et Ngarlejy Yorongar – croient que c’est gagnable grâce à l’usure du régime d’Idriss Déby Itno et à l’arrivée de la biométrie antifraude. Mais le président sortant fera tout pour être réélu dès le premier tour, comme en 2001, 2006 et 2011.

Au Congo, dont l’élection présidentielle a été avancée au premier trimestre 2016, Denis Sassou Nguesso briguera un troisième mandat avec, lui aussi, la ferme intention de gagner. En septembre 2015, dans les rues de Brazzaville, quelque 30 000 manifestants ont dit non au projet d’une nouvelle Constitution faisant sauter notamment les deux obstacles à une nouvelle candidature de « Sassou ». Mais en octobre, le projet est passé par référendum. Le président congolais, qui cumule déjà trente et un ans de pouvoir, croit d’autant plus en ses chances que l’opposition, certes requinquée par ce combat, reste morcelée.

Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, le doyen des chefs d’État du continent, vivra la présidentielle comme une simple formalité

Au Gabon, Ali Bongo Ondimba va compter, comme en 2009, sur l’appareil d’État légué par son père pour être élu. Son atout, c’est qu’il n’y aura qu’un tour. Si l’opposition est divisée, comme c’est pour l’instant le cas, il repassera sans doute. Son handicap, c’est que les défections se multiplient dans son propre parti. Si l’un de ses opposants – l’ex-président de la Commission de l’Union africaine Jean Ping, par exemple – parvient à rassembler derrière lui les déçus et les victimes de la crise pétrolière, le président sortant aura beaucoup plus de mal à l’emporter.

En revanche, en Guinée équatoriale, en novembre, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, le doyen des chefs d’État du continent – il est au pouvoir depuis trente-six ans -, vivra la présidentielle comme une simple formalité. À l’Assemblée nationale, il n’y a qu’un seul député d’opposition…

Vers un « glissement » en RD Congo ?

Reste la grande inconnue : la RD Congo. Selon la loi, le président sortant ne peut pas se représenter à l’élection de novembre 2016. En janvier 2015, les pro-Kabila ont voulu rendre obligatoire un nouveau recensement avant toute élection. Devant les manifestations de rue, ils ont reculé. Mais en novembre, le porte-parole de la majorité présidentielle, André-Alain Atundu Liongo, a de nouveau proposé l’organisation préalable d’un recensement général. Selon les experts, cela pourrait prendre… de deux à quatre ans ! Pour l’opposition, c’est la preuve que Joseph Kabila est dans la stratégie du « glissement ». Depuis l’indépendance, la RD Congo – comme la Guinée équatoriale et le Tchad – n’a connu que des alternances brutales ou meurtrières. Pas sûr que 2016 soit l’année d’une première élection libre et transparente…

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